Au Brésil, l’argent ne circule plus comme autrefois. Un simple scan de code QR suffit désormais pour conclure une transaction. Simplicité, et surtout instantanéité, régissent un nouvel ordre financier où l’attente semble être une relique du passé.
Le système Pix, lancé fin 2020, s’impose comme le mode de paiement favori des Brésiliens, évinçant l’argent liquide des transactions quotidiennes. Quid des cartes de crédit ? Elles vacillent, résistant encore timidement à une transformation de l’écosystème financier.
Pix bouscule le marché
“En l’espace de quelques années, Pix a redéfini la manière d’effectuer les paiements. Grâce à sa commodité, sa sécurité et son instantanéité, le système a surclassé les méthodes traditionnelles telles que les virements bancaires, l’espèce et même certaines transactions par carte”, explique à la MAP l’économiste brésilien Otaviano Canuto, ancien vice-président de la Banque Mondiale.
Le flux de transactions a franchi un nouveau cap le 6 septembre : plus de 227 millions d’opérations en 24 heures pour une population adulte de 163 millions. Ce succès témoigne d’une adoption massive qui ne doit rien au hasard. L’architecture du système, pensée par la Banque centrale, favorise l’inclusion financière, l’innovation et la compétitivité.
Si Roberto Campos Neto, président de l’organisme régulateur, avait anticipé cette transformation avec l’émergence de la finance ouverte, les tendances actuelles du marché confirment la justesse de ses prévisions, s’adaptant à un nouvel ordre mondial.
En 2023, l’utilisation de Pix a explosé de 74%, atteignant près de 42 milliards de transactions pour un montant cumulé de 3,4 billions de dollars. Ce chiffre dépasse de 23 % les paiements combinés par carte de crédit et de débit. Cette année, le système a déjà frôlé les 40 milliards de transactions fin août, représentant 2,9 billions de dollars.
Un avenir prometteur
L’avenir de Pix s’annonce radieux. Selon une étude récente de la fintech brésilienne Ebanx, Pix pourrait capter 44% du marché des paiements en ligne d’ici 2025, tandis que les cartes de crédit, autrefois dominantes, devraient voir leur part reculer à 41%.
Si Pix gagne du terrain, il tend surtout à remplacer rapidement les paiements au comptant. Les transactions par carte restent majoritaires pour les paiements échelonnés, observe M. Canuto, senior fellow au Policy Center for the New South.
Les perspectives s’envolent avec l’introduction, dès l’année prochaine, de nouvelles fonctionnalités. Pix Garantido, pour le paiement par mensualités, et Pix Automatico, destiné aux prélèvements automatiques, promettent de rendre le système encore plus attrayant.
N’importe quand, n’importe où !
Dans un pays où la finance se réinvente constamment, Pix se fraye un chemin à travers les secteurs, des services publics au commerce électronique, en passant par les établissements financiers, le streaming et même la restauration. En un clic, la transaction est effectuée. N’importe quand, n’importe où, pour n’importe quelle somme, bien que des restrictions s’appliquent la nuit. Sécurité oblige !
Le paiement instantané profite tout particulièrement aux détaillants en ligne qui voient leur trésorerie s’améliorer dans un secteur où les marges sont ténues. Pour séduire davantage de clients, certains commerçants vont même jusqu’à offrir des remises équivalant aux frais d’escompte habituellement réservés aux intermédiaires. Côté acheteurs, la transition s’opère en douceur et sans frais : plus besoin de sortir son portefeuille, un simple scan avec une application bancaire suffit.
Si certains bénéficient de conditions avantageuses, d’autres voient poindre des nuages à l’horizon. Les principaux acteurs du secteur brésilien des cartes de crédit ajustent leurs stratégies en conséquence.
Juliana Etcheverry, directrice des marchés d’Ebanx pour l’Amérique latine, se montre néanmoins rassurante. “Pix ne signera pas la fin des cartes de crédit. L’industrie continue d’investir dans des protocoles pour rester compétitive”, affirme-t-elle.
La sécurité en question
La préoccupation majeure est bien entendu la sécurité. Dans un pays où les fraudes financières sont endémiques, comment garantir la sécurité des millions de transactions traitées au quotidien ?
“Il est normal que les fraudes connaissent une montée proportionnelle à l’utilisation, mais la sécurité est notre priorité absolue”, avait rétorqué le président de la Banque centrale lors d’une conférence en juillet, cherchant à rassurer sur la solidité du système : Pix enregistre sept fraudes pour chaque 100.000 opérations, contre 30 pour les cartes de crédit. En comparaison, le Faster Payments, un système similaire au Royaume-Uni, affiche 100 fraudes pour 100.000 opérations.
Si une multitude d’applications de paiement, de PayPal à Venmo, existent de par le monde, aucune n’a l’avantage d’être conçue, exploitée et régulée par la Banque centrale. Ce contrôle institutionnel confère à Pix une robustesse sur le marché.
“Le succès de Pix repose sur la solide intégration de la Banque centrale du Brésil dans le système financier national. Il n’est peut-être pas simple de reproduire cette solution dans des pays ayant des structures bancaires, réglementations et niveaux de littératie numérique différents”, souligne M. Canuto en réponse à une question sur la possibilité d’exporter ce modèle vers d’autres horizons.
Alors que Pix continue de révolutionner le marché des transactions au Brésil, il reste à voir si ce modèle parviendra à transformer durablement les habitudes financières du géant latino-américain ou s’il inspirera un changement ailleurs pour redéfinir les standards des transactions de demain.